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Haïti : une démocratie en détresse !

Depuis l’Antiquité, la démocratie n’avait pas une bonne allure aux yeux des Philosophes comme Aristote et Platon. Car, ce régime politique mis en avant une très forte logique majoritaire au détriment des classes dites minoritaires, celui-ci s’inscrit bien évidemment dans une démarche exclusiviste. Malgré, les différentes critiques recouvrant ce régime politique, la société moderne ou postmoderne ne cesse pas à prononcer ou promouvoir les idéaux démocratiques afin de s’accrocher à ce nouveau paradigme.

Il existe fort souvent un décalage entre les idéaux démocratiques et les pratiques démocratiques (Dahl, 1998) quelle que soit la société en question. Effet, la démocratie n’est pas une donnée, mais plutôt un artefact, un construit. Le côté protéiforme de la démocratie ne nous écarte pas la possibilité d’avoir des fonctionnements démocratiques qui soient reconnus comme universels : par exemple, l’organisation régulière, transparente et sincère des élections.

Les Politologues s’accordent sur le fait que l’organisation des élections joue un rôle majeur dans le fonctionnement d’une démocratie, sans vouloir la présenter comme un critère unique. Par contre, d’autres voient en la tenue des élections une condition unique pour parler de la démocratie. La dernière conception préconise de toute évidence une approche minimaliste de la démocratie.

Dans le présent article, nous voulions tout simplement voir comment la « démocratie haïtienne », nous semble-t-il, n’est même pas en mesure de répondre au critère élémentaire de la démocratie : le changement du personnel politique via l’organisation des élections.

L’organisation des élections, une préoccupation des pouvoirs publics ?

Le recours à la violence au moment électoral constitue un symptôme flagrant de l’incapacité des acteurs du paysage sociopolitique haïtien à s’adapter au jeu démocratique. Un jeu marqué par les controverses idéologiques.

Par ailleurs, cette incapacité se manifeste dans les faiblesses des projets de société des Partis politiques à répondre aux demandes de la population haïtienne. Or, ces projets constituent en quelque des inputs des politiques publiques que le gouvernement va mettre en place.

La sincérité du scrutin est non seulement révélatrice des incapacités des acteurs à convaincre un électorat important autour des projets structurants et durables, mais aussi boude tout marchandage politique à l’encontre de l’intérêt général. Donc, l’organisation régulière et sincère des élections des pouvoirs publics n’est absolument pas une priorité, pourtant essentiellement fondamentale pour le bon fonctionnement de la démocratie en Haïti.
Des Citoyens qui démissionnent…

Contrairement à ce qu’on pense souvent, dans une démocratie le citoyen n’est pas actif uniquement pendant la période électorale. Il doit aussi faire preuve de son activité tout au long de son existence, car être citoyen est un métier exigeant des expertises malgré l’« ignorance » de ce dernier. À ce titre, Blondiaux (2008) parle de « Citoyen-Expert ».

La précarité des services publics de base (Santé, éducation, électricité…) en Haïti encourage la plupart des citoyens haïtiens à démissionner de ce poste consistant à : demander des comptes, évaluer des actions gouvernementales, sanctionner et exiger la tenue des élections libres, honnêtes et démocratiques. Par conséquent, la démission des citoyens est largement provoquée par le fonctionnement de l’activité politique en Haïti. Un système ne proposant pas des alternatives en vue de poser les jalons démocratiques. L’organisation des élections en est un.

Que faire pour sauver un minimum ?

L’argument le plus utilisé par des acteurs politiques haïtiens peut résumer ainsi : tout le monde doit se mettre ensemble. Un argument qui nous semble inadapté aux exigences même de la démocratie. Car, cette dernière repose sur la contradiction des idées et la coexistence des valeurs qui ne sont pas forcément conciliables a priori. Si le vrai problème se pose au niveau des différences, la question est de savoir comment vivre démocratiquement avec elles sans nier l’intérêt général. Nous pensons que l’apprentissage démocratique devrait une priorité dans nos cursus scolaires : montrer nos enfants les principes démocratiques et surtout les comportements démocratiques. Ainsi, l’acceptation de l’opinion de l’autre, la délégation de pouvoir dans les salles de classe sont autant d’éléments à privilégier si nous voulons des dirigeants politiques soucieux et utiles.

En ce qui concerne le climat d’insécurité constamment présent dans le pays, la mobilisation exclusive des dispositifs sécuritaires : renforcement des capacités des forces policières et d’expertise, réglementation sur les vitres teintées…, ne saurait être des mesures performantes si les autorités publiques ne prennent pas en compte des politiques publiques de prévention et d’intégration des catégories sociales vulnérables de la société. Tout cela exige un effort dépassant une temporalité politico-électorale dont des acteurs politiques ont du mal à s’éloigner. La vision stratégique de l’État haïtien reste encore en question; pendant notre démocratie est en détresse ! Une détresse qui n’est pas lien bien sûr avec la pandémie Covid-19.

Amos FRANÇOIS, Politiste

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