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Les problèmes de sécurité (ou l’insécurité) en Haïti : radioscopie d’un État défaillant et en déliquescence

« L’Etat est mort, vive l’État ! Pourquoi la faillite étatique qui s’annonce est une bonne nouvelle. », (C.) Gave, Bourin, 2010.

Introduction

Depuis deux décennies, l’espace social haïtien offre le spectacle d’une zone synonyme d’instabilité et d’insécurité. Les crises, qu’elles soient socio-économiques ou politiques, se suivent et se ressemblent (crises en 2000, 2004, 2006, 2008, 2010, en 2016 et à nos jours) au point qu’il serait suspect de vouloir envoyer au banc des accusés celui qui oserait qualifier cette société de « crisogène », en échange de « société de merde ». De la contestation régulière des élections irrégulières (frauduleuses ?) aux scandales de corruption (Affaires des coopératives et Petrocaribe) sur lesquels se greffe une situation de dégradation sécuritaire toujours vivace, dont l’aspect le plus visible est la privatisation de la violence (G-9 et alliés), la société haïtienne se trouve en voie de désagrégation et de décomposition. Que dit l’État ? Que fait l’Etat, si tant est qu’il existe encore ?

Face au déferlement de la violence privée et au déploiement de l’extrême pauvreté en Haïti, l’État se montre absolument dépassé. Dans cette éventualité, l’État haïtien n’est qu’un État défaillant. Car, par définition, « un État défaillant est un État qui ne remplit pas les fonctions régaliennes essentielles en matière d’ordre public, de police, de justice, et qui ne parvient pas à s’opposer aux troubles internes (…) provoquant l’exode de certaines populations, voire le déclenchement des guerres civiles » [Cartapanis, 2012].

Paradoxalement, en dépit des menaces objectives qui traduisent l’état d’insécurité qui prévaut en Haïti, les questions de sécurité demeurent très largement marginales. S’il n’est pas rare de constater que journalistes et politiciens de tous bords s’affrontent régulièrement sur l’arène des émissions de radio et de télévision pour parler de l’insécurité en Haïti, cela se produit fort souvent dans un tumulte répugnant et un écho assourdissant, sans jamais s’entendre pour autant sur une définition claire et précise, sur les contours et les raisons explicatives, voire sur les réponses à déployer pour enrayer ce phénomène.

Or, tout esprit rationnel sait qu’il ne suffit pas de placer un sujet aussi crucial que celui des problèmes de sécurité (ou l’insécurité) dans un étau de longs discours, pour le moins décousus, pour qu’il soit considéré comme étant pris en considération. Parlent-ils d’ailleurs le même langage au travers d’une notion assez complexe, aux manifestations multiples et variées ? N’est-ce pas ce qui détermine, entre autres raisons, leur incapacité manifeste à énoncer et envisager de réelles perspectives de solution aux problèmes de sécurité en Haïti ? Qu’est-ce que, en dernière analyse, les problèmes de sécurité disent de l’État haïtien ?

Les dés n’étant pas jetés, cet article vise à l’examen peu ou prou approfondi de la déliquescence de cet État, en répondant sommairement à ce foisonnement d’interrogations, à travers les prismes des conflictualités entre groupes armés sur le territoire haïtien, les conditions de vie de la population haïtienne dans les quartiers populaires de Port-au-Prince et la pauvreté des enfants, avant de proposer quelques pistes prospectives.

L’insécurité comme vecteur de la faillite de l’État haïtien

Pour ne pas refaire, ne serait-ce qu’à l’envers, le même chemin qu’ont parcouru ceux qui parlent en général de l’insécurité en Haïti, nous tenons à définir, avant tout, les notions constituant la clé de voûte de notre sujet de réflexion.

Même si nous allons utiliser de manière interchangeable les notions d’insécurité et de problèmes de sécurité, il n’est pas sans pertinence de souligner notre préférence à l’égard de celle-ci, laquelle se justifie par le fait que cette expression permet de sortir de l’approche réductrice de l’insécurité, généralement envisagée sous l’angle militaire ou de la défense, comme état où la menace au corps ou à l’intégrité physique est avérée (l’insécurité civile). Cette expression a l’avantage d’être extensive. Dans cette perspective, nous entendons par problèmes de sécurité ou insécurité non seulement l’existence et la prégnance de la délinquance et de la criminalité en Haïti, mais aussi tout un processus historique de déstructuration de nos structures sociales qui renvoie à toutes les expériences du déni et de l’injustice, c’est-à-dire la privation de la totalité de ce dont nous avons besoin (l’insécurité sociale) [cf. Leclerc, 2006].
Inversement, la sécurité peut facilement s’entendre, dans une première acception, de « la garantie de l’intégrité de la personne privée et de ses biens, c’est-à-dire l’élimination ou la réduction des atteintes directes- physiques, ou indirectes- concernant les biens ; et, dans un second sens, de l’« assurance d’ordre social et économique concernant le revenu, l’emploi, la maladie et la vieillesse [Lagrange & Zauberman, 2018].

Cette exigence méthodologique étant satisfaite, nous pouvons reprendre notre fil argumentaire.

En effet, de même que la sécurité est une question politique qui se pose depuis l’aube de l’humanité [Mary, 2005], le rapport de la sécurité à l’État a aussi, selon les mots de Thierry Balzacq [2013], une longue histoire. Les philosophes du XVIIIe siècle (de Hobbes à Rousseau), qui fondent notre modernité démocratique, ont d’ailleurs soutenu que le souci d’assurer collectivement la sécurité des individus constituait la première légitimité pour la formation d’un État [David, 2002].

Ainsi, pour Hobbes, la sécurité est une condition de l’État. Selon l’auteur du Léviathan, ce dernier est investi, en vertu d’un contrat social, du monopole de l’action sécuritaire. Rousseau abonde dans le même sens affirmant que la sécurité est « le problème fondamental auquel l’institution étatique doit apporter une solution. » [cf. Balzacq, 2013] Deux siècles plus tard, Max Weber [1919], ne s’étant pas employé à réinventer la roue, affirme tout simplement, dans la lignée des contractualistes, que l’État est le détenteur de l’exercice de la violence physique légitime.

Il est de ce fait un truisme que le maintien de l’ordre et de la sécurité est l’une des épreuves qui révèle le mieux l’essence de la chose étatique et qui donne sens à son existence ; qu’une société dominée par la privatisation de la violence est une société dans laquelle la défaillance et la déliquescence de l’État ne sont plus, ni théoriquement ni pratiquement, à prouver. Pour le dire autrement, il est un fait avéré que lorsque les forces de sécurité n’ont ni les moyens ni les compétences nécessaires pour s’acquitter convenablement de leurs fonctions, les risques de violences au sein de la communauté, de criminalité et de violation des droits de l’Homme s’accroissent considérablement. Il s’agit là de l’un des faits révélateurs du massacre de La Saline, « perpétré par des bandits armés réputés proches du pouvoir », le 13 novembre 2018, au cours duquel « 71 personnes ont été assassinées » [cf. Le Monde du 2 janvier 2020]. Selon un rapport de l’ONU, « le massacre a duré plus de 14 heures sans que les unités de police présentes à proximité n’interviennent » [RFI du 22 juin 2019].

Il en résulte que cet État perd le monopole de la violence légitime. Nous l’avons encore vu récemment, des bandits lourdement armés déambulent dans les rues de Port-au-Prince, en toute quiétude, pour exiger le retrait de l’État haïtien du projet polémique du nouveau Code pénal. En outre, depuis quelques semaines déjà,- outre les violences et les menaces dont fait l’objet la population haïtienne, notamment à Martissant et à Village de Dieu, terrorisée par des bandes armées, apparemment plus riches en armes et en munitions que la Police nationale d’Haïti (PNH)- nous assistons à un « mariage sans amour » entre ces bandes, « G-9 et alliés », dont les retombées forcément négatives ne tarderont pas à enterrer cet Etat déjà en déliquescence. En tout cas, les derniers affrontements entre « G-9 et alliés » et la bande à « Ti Gabriel » à Cité Soleil ne présagent rien de bon. Aujourd’hui, personne ne peut circuler tranquillement dans les rues de Port-au-Prince et dans certaines grandes villes du pays. La crainte d’être la proie des malfrats de grand chemin hante tous les esprits. Or, si l’on en croit Sébastian Roché [2004], « l’expression de crainte est en elle-même un signe de la faillite du contrat social. »

Soulignons, pour mettre un terme à ce chapitre, qu’un État est qualifié de défaillant lorsqu’il n’y a aucune autorité centrale en mesure d’assurer à titre exclusif l’exercice de la violence légitime à l’intérieur de ses frontières [Cartapanis, 2012].

L’insécurité comme illustration de la faillite de l’État haïtien

Puisque la sécurité est à la fois un droit fondamental et l’une des conditions de l’exercice des libertés individuelles et collectives [Leclerc, 2006], nous affirmons péremptoirement que l’insécurité constitue à la fois une violation et le résultat de la violation des droits de l’Homme. Elle illustre en ce sens la faillite de l’État. Pour étayer notre propos, nous allons invoquer brièvement les conditions de vie précaires de la population haïtienne dans les quartiers populaires de Port-au-Prince, communément qualifiés de « quartiers sensibles » et la situation de pauvreté des enfants, terreau fertile à la délinquance et à la criminalité. Néanmoins, il importe de souligner rapidement que la sécheresse de littérature savante, faite de données statistiques fiables, à laquelle est confronté ce sujet, dans ce pays qui n’a rien à faire de ses cadres ni de leurs savoirs, constituera l’un de nos obstacles épistémologiques majeurs, selon l’heureuse expression de Gaston Bachelard.

S’il ne fait pas de doute que toutes les sociétés du monde connaissent des situations d’inégalités, Haïti est l’un des pays qui illustrent le mieux cette situation par l’énorme fossé existant entre l’extrême richesse de certains et l’extrême pauvreté des autres. On a recensé qu’en 2006 une minorité de 4% de la population détenait 66% des richesses du pays et le reste de la population vivait dans l’indicible misère que l’on sait [cf. Boccanfuso & Siméon, 2006], et qu’en 2017, 78% de la population haïtienne vivait encore sous le seuil de la pauvreté absolue et 56% dans une pauvreté extrême [Le Nouvelliste du 24 avril 2017].

De plus, dans les quartiers populaires de la capitale haïtienne, la privation des services de première nécessité est en effet la règle. A Martissant, Village de Dieu, Cité Soleil, à Grand-Ravine, à La Saline et à Bel Air, les gens n’ont aucun accès à ce qu’Epicure appelle les besoins naturels nécessaires ou encore au minimum vital, selon Armatya Sen. Ces « damnés de la terre haïtienne » qui côtoient l’insalubrité au quotidien, vivent dans de mauvaises conditions de logement. Privés de l’électricité et de l’eau potable, ils n’ont aucun accès aux soins de santé et à l’emploi. Ils vivent dans des conditions sanitaires déplorables (déplorable est utilisé ici par euphémisme). Au regard de ces faits, il convient de mentionner qu’il existe déjà une abondante littérature qui montre que la criminalité et la violence ont des relations plurielles avec la pauvreté endémique. C’est le cas, par exemple, de Sébastien Roché [2004] qui rappelle que « dans toute société fondée sur le principe que les hommes naissent égaux, les inégalités économiques et sociales ancrées dans les positions prescrites violent l’esprit de la démocratie et produisent probablement de l’aliénation, du désespoir et du conflit ». Et, de fait, en Haïti, c’est exactement dans ces quartiers où la misère sociale s’enracine que la délinquance, la violence et la criminalité sont le plus visibles.

De surcroit, ces quartiers populaires sont pour la plupart les milieux d’où est issu en général le groupe vulnérable d’enfants dont la pauvreté est la marque distinctive.

Nés dans des quartiers défavorisés et de parents pauvres, ces enfants naissent naturellement défavorisés. Dans un rapport préliminaire réalisé pour l’UNICEF, David Gordon et Shailen Nady [2007] ont mentionné qu’en l’an 2000, 46 % des garçons et des filles croupissaient dans la pauvreté absolue et 43% en 2005. Faute de travaux scientifiques rigoureux, personne ne sait avec précision combien ils sont en ce moment. En revanche, il n’est pas besoin d’être devin pour savoir que cela va de mal en pis.

Pour ces enfants, l’absence de toute perspective d’avenir peut prendre les dimensions d’une profonde désespérance. Privés du droit à l’éducation, à la santé, au logement et à l’alimentation, ces enfants voient dans la rue leur seule véritable planche de salut et vont de fait s’y installer [cf. Bony, 2016]. En se trouvant dans un état de pauvreté extrême, ces derniers se trouvent automatiquement dans un état d’exploitation extrême, et deviennent souvent, malgré eux, ces enfants-là que la sophistique juridique autorise à qualifier de « mineurs délinquants », alors qu’ils ne sont que les victimes d’un État et d’un système qui n’ont pas su jouer leur « rôle d’amortisseur social ou d’encadrement » [Bauer & Soullez, 2011]. Ceux-ci préfèrent fort souvent exploiter la misère de ces enfants en les armant à toutes fins utiles. C’est en ce sens que Zygmunt Bauman [2003] affirme que « la vulnérabilité et l’incertitude humaines sont les fondements de tout pouvoir. » D’où le phénomène de l’insécurité en Haïti, synonyme de violation des droits fondamentaux de l’homme, que nous avons précédemment défini non seulement comme l’existence et la prégnance de la délinquance et de la criminalité ou, pour reprendre la définition de Sébastian Roché [1995], que nous avons déjà cité, comme « la manifestation d’une violence dont on a peur », mais aussi comme toutes les expériences du déni et de l’injustice, c’est-à-dire la privation de la totalité de ce dont nous avons besoin.

Enfin, il ne sera pas vain de souligner qu’en vertu des fondements même de la loi, le droit entraine toujours opposabilité et imputation. Cela signifie qu’il existe toujours une personne ou une entité ayant l’obligation de s’y conformer reconnu sous l’étiquette de débiteur [cf. Mbonda, 2004].

S’agissant du droit à la sécurité, il est d’évidence que l’État est le principal débiteur, comme l’ont déjà démontré toutes les philosophies contractualistes susmentionnées. Dans cette optique, l’État haïtien, en ne répondant absolument pas à ses obligations, se pose comme le violateur par excellence du droit international des droits de l’Homme et, par contrecoup, source de l’insécurité en Haïti. Il viole notamment l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, dont il est l’un des signataires originaires, qui affirme que « tout individu a droit à un niveau de vie suffisant », ainsi que l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Selon Carlos Miguel Herrera [2009], le « niveau de vie suffisant » dont parle l’article 25 est mis en rapport avec la santé et le bien-être de l’individu et sa famille, et doit être assuré notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux (…). » Et, plus encore, aux termes l’article 19 de la Constitution haïtienne de 1987, il est précisé que « l’État a l’impérieuse nécessité de garantir le droit à la vie, à la santé, au respect de la personne humaine à tous les citoyens sans distinction, conformément à la Déclaration universelle des droits de l’Homme. »

Par ricochet, si, par définition, un État défaillant est un État qui n’assure pas le respect des droits de la personne et la satisfaction des besoins fondamentaux de sa population [Cartapanis, 2012], nous pouvons donc réaffirmer, sans craindre le risque d’être démenti, que l’État haïtien est un État défaillant.

Insécurité vous avez dit ? Nécessité d’une nouvelle grammaire de la sécurité en Haïti
S’il y a quelque chose que la plupart des débats politiques et médiatiques articulés autour du phénomène chronique de l’insécurité en Haïti nous rappellent, c’est notre facilité, notre tendance, notre aptitude et même notre culture de dénonciation. A l’inverse, ils nous révèlent notre incapacité à élaborer et envisager des moyens de solution à nos plus importants problèmes de société. Autrement dit, nous n’avons pas un problème de dénonciation, mais plutôt un problème d’énonciation et de mise en œuvre. Afin que cet article puisse conserver toute sa dimension de critique sociale, nous allons, en guise de conclusion, énoncer, dans les lignes subséquentes, quelques propositions qui doivent être regardées comme interreliées et cumulatives.

En premier lieu, il est impératif que l’insécurité fasse l’objet d’une politique publique de sécurité crédible. Certains peuvent bien objecter que cela existe déjà, mais nous ne saurions négliger de les rappeler ce que politique publique de sécurité veut dire. Ainsi, nous emprunterions à François Dieu [1999] la définition suivante : par-là, il faut entendre « un ensemble cohérent de décisions et de mesures prises par les instances politiques légitimes, dont l’objectif, expressément défini, est d’apporter par la mobilisation des institutions sécuritaires de régulation sociale et, le cas échéant, d’autres partenaires publics et privés, une réponse effective aux diverses formes d’insécurité induites par le phénomène délinquant. »

Si le fait de poursuivre résolument la corrosion du système judiciaire haïtien en le prenant en otage par des manœuvres politiciennes inélégantes, entachées de corruption, – comme le fait en ce moment l’Exécutif qui change, comme on change de chemise, les Ministres de la Justice (le pays en a déjà connus 4, de février 2017 à nos jours)- est un élément d’une politique publique de sécurité digne de ce nom, nous aurons certainement eu tort de faire cette proposition.

En deuxième lieu, la mise en place d’une véritable politique publique de sécurité en Haïti nécessite une nouvelle grammaire, une nouvelle approche de la sécurité. Car, si l’on en vient à parler aujourd’hui de l’insécurité en Haïti comme un mal endémique, on parle peu (ou pas du tout) des dimensions non militaires que recouvre la notion. Ce qui ne sera pas sans inspirer des mesures politiques inappropriées et, donc, inefficaces quand on voudra réellement s’attaquer à ce fléau. Cette nouvelle approche implique de mettre fin à la dichotomie sécurité civile/sécurité sociale qui prévaut dans les discours. Il faut un nouveau paradigme qui permet de concilier et de rééquilibrer ces dernières et qui repose sur l’idée selon laquelle, aussi bien que la délinquance et la criminalité, la pauvreté constitue une menace pour la cohésion sociale.

Ainsi, résoudre les problèmes de sécurité ou l’insécurité en Haïti devra nécessairement passer par l’articulation d’une approche préventive, répressive et d’une approche sociale, basée sur la justice sociale et l’égalité des chances, comme faire reculer la pauvreté des enfants, par exemple. L’une des premières choses à faire en ce sens est de rendre effective la gratuité de l’enseignement. Le problème, c’est que même dans certaines écoles où l’on affirme qu’il n’y a pas de frais de scolarité, il existe des coûts cachés, comme l’achat d’un uniforme ou de manuels [Hammarberg, 2011]. A cet effet, la sécurité humaine, pour reprendre la catégorie du Programme des Nations unies pour le développement, s’impose comme outil conceptuel approprié à ce nouveau cadre de la sécurité [OCDE, 2001].

En troisième lieu, cette mise en place d’une politique publique de sécurité en Haïti exige la prise en considération d’une plus large palette d’acteurs. Comme nous l’avons déjà indiqué, l’insécurité est à la fois une notion et un phénomène complexes. Pour bien saisir ses contours, il faudra faire appel à des historiens, des sociologues, des psychologues, et des juristes pour élaborer les normes et (re) définir les institutions qui devront s’attaquer sérieusement à ce problème. Cela dit, la mise en place d’une véritable politique publique de sécurité en Haïti recommande une juxtaposition de compétences. Des compétences que le pays ne manque certainement pas.

Il faudra, en définitive, analyser en permanence cette politique publique de sécurité si l’on veut vraiment aboutir à des résultats satisfaisants. Cela signifie qu’il sera nécessaire d’observer minutieusement l’État en action à travers les dispositifs et les mesures qu’il va prendre en vue d’assurer son devoir fondamental de régulation sociale [cf. Bauer & Soullez, 2011].

Enfin, à nos dirigeants et futurs dirigeants de s’efforcer de s’élever au-dessus de leurs intérêts particuliers au profit de l’intérêt général en vue de mettre en œuvre ces propositions, tout en prenant conscience du fait que les problèmes de sécurité, tels que la violence, la délinquance, la criminalité, la famine, le black-out ou la pauvreté dans son ensemble ne sauraient se résoudre par la simple invocation de recettes aussi magiques que puériles (comme l’insolite mélange de terre, de l’eau et du soleil) ; ni par le recours systématique à des propos aussi débiles que mensongers. (…) « Si dans la vie privée, le mensonge est une bassesse, dans la vie publique, c’est un crime ; tout gouvernement qui ment est un conspirateur plus dangereux que le meurtrier qu’il fait décapiter (…) », disait Astolphe de Custine [1839].

Marc Armstrong NOËL
Doctorant en Science politique et Relations internationales à l’Université Laval (Québec)/Philosophe/Spécialiste en droits de l’Homme/Juriste international
marcarmstrongccnoel@gmail.com

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