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19 avril 2021.-
La justice constitue à la fois un idéal philosophique et moral, l’exercice d’une activité, et un ensemble d’institutions. La justice désigne avant tout une valeur, un idéal moral, un concept philosophique
dont la caractérisation paraît à la fois instinctive et complexe.
Ce faisant, l’activité de justice mobilise un ensemble de règles, de statuts, de pratiques, de discours et de métiers concourant à l’exercice de la fonction de juger. La justice devient alors synonyme d’institution judiciaire
: elle désigne les divers organes auxquels la souveraineté nationale a officiellement délégué le pouvoir d’interpréter la loi et d’en assurer l’application par l’exercice de la faculté de trancher entre le juste et l’injuste.
Poser le problème
Le corpus juridique haïtien se révèle à la fois riche et abondant, notamment en ce qui a trait à la protection des droits fondamentaux de la personne humaine. Néanmoins, cet argument ne maintient sa consistance que du point de vue théorique. Dans ce contexte, des sociologues n’hésitent pas à soulever les expressions de pays légal et de pays réel afin de qualifier la situation haïtienne. La justice haïtienne recèle de multiples défaillances dont le problème de l’accès à la justice.
Cause du problème
Le juge ne peut dénier rendre justice et, en principe, tous les citoyens ont la possibilité de se présenter devant un tribunal avec une attente légitime de faire valoir leurs droits et d’obtenir un jugement. Théoriquement, ces éléments font du pouvoir juridictionnel (ou judiciaire) l’institution la plus accessible vis-à-vis des autres branches politiques (législatif et exécutif).
Cependant, il existe certaines limites pour y accéder. Plusieurs types de « barrières » existent et jouent un rôle prépondérant sur l’accès à la justice : le coût de l’accès à la justice, l’accès spatiale des tribunaux et aussi le langage judiciaire.
Analyse et conséquences de la cause
- Le coût de la justice
Gratuite en théorie, la justice reste très onéreuse en Haïti. Le coût des services judiciaires réduit considérablement l’accès de la justice à la majorité de la population des campagnes et des zones urbaines marginales du pays, dont le revenu annuel avoisine moins de deux mille cinq cent gourdes. Les honoraires des avocats sont tellement élevés, en comparaison du niveau des revenus par tête d’habitants, que la justice est perçue comme étant au service des possédants et au détriment des démunis.
- L’accès spatiale des tribunaux
S’il est un facteur qui limite l’accès des citoyens à la justice, c’est bien celui de la localisation des tribunaux. Cette limitation s’exprime en termes de distance à parcourir pour un tribunal, de nombre de tribunaux par habitants, de l’état des voies de communication et de la disponibilité de moyens de transport adéquats.
Il n’est un secret pour personne que la population totale haïtienne est à dominance rurale. De même, tous ceux impliqués dans le fonctionnement du système judiciaire savent que les tribunaux de paix sont dans leur quasi-totalité établis dans les communes, donc en milieu relativement urbanisé. Or, personne n’ignore l’état défectueux des routes reliant les communes entre elles, d’une part et aux différentes sections communales, d’autre part. Donc, il n’est point besoin d’avoir une expertise spéciale pour constater l’inadéquation entre le nombre d’habitants et celui des tribunaux, ainsi que la disparité dans leur répartition spatiale. D’ailleurs, le manque de moyens de locomotion isole les tribunaux des communautés qu’ils prétendent desservir.
Le langage judiciaire
La langue constitue l’un des facteurs limitant l’accès de la population à la Justice. Dans un pays à dominance créolophone et à majorité analphabète, tous les textes de lois sont rédigés en français. Toutes les décisions de justice sont rendues en cette langue qui n’est parlée et comprise que par une infime partie de la population. Cette dualité linguistique ne fait qu’accentuer la division du pays en un pays national à dominance rurale, créolophone, vaudouisante, analphabète et régi par le droit coutumier ; et, un pays officiel à dominance urbaine, francophone, catholique, éduquée et régi par le droit formel.
Solutions envisagées
Aujourd’hui des réflexions sont portées sur la défaillance de la justice haïtienne considérée comme une plaie lente à cicatriser et plus que jamais on se rend compte de la nécessité de la réformer pour permettre aux Haïtiens de vivre dans une société démocratique et juste et à Haïti de rentrer dans le concert des nations dites modernes.
A notre avis, les perspectives de mise en œuvre d’une réelle réforme du système judiciaire haïtien pouvant faciliter l’accès à une justice juste et équitable par nos concitoyens nécessitent de nouvelles stratégies consistant à renforcer le pouvoir judiciaire afin qu’il prenne son autonomie.
D’une part, le renforcement de l’accessibilité de la justice et celui des institutions en relation avec la justice impliquent, d’une part : l’établissement d’une carte judiciaire conforme à la distribution de la population : un Tribunal de Paix dans chaque section communale.
D’autre part, l’actualisation des lois par le Pouvoir législatif,
Enfin, la mise de la justice à la portée des justiciables s’expliquant par la baisse des coûts des frais de justice, l’adaptation de la langue créole et du langage juridique, la transcription des déclarations et réponses dans la langue utilisée.
Implémentation
Pour pallier les problèmes du pouvoir judiciaire en Haïti, telle que l’accessibilité et pour son indépendance effective, l’établissement d’un État de droit démocratique et constitutionnel, la réforme de l’État, la réforme du droit et de la justice est une exigence.
Cependant, cette réforme de l’État, exige la redéfinition et la correction des structures de l’État, la promotion de la loi et sa vulgarisation
Aussi, pour y parvenir, faut-il redéfinir le rôle du Parquet pour le faire dépendre exclusivement du pouvoir judiciaire et non du Ministère de la justice que l’on doit absolument destituer et instituer la Cour Constitutionnelle pour la révision des arrêts de la Cour de Cassation, ce pour arriver à l’instauration dudit État de droit.
Références bibliographiques
- MANIGAT, Mirlande : Manuel de droit constitutionnel, Uniq, Port-au-Prince, 2004, p.81
- CADIET, Loïc et RICHER, Laurent : Réforme de la Justice, Réforme de l’État, éd. PUF, Paris, 2003, p. 13
- ARNAUD, Guigue : Droit, Justice, État, Paris, Collection Major Bac, PUF, 1996, p 116.
- TROUILLOT, Ertha P. : Code de Lois Usuelles, Imp, Henri Deschamps, Port-au-Prince, 1989, Tome I p. 816 Tome II p. 561.
- CASSAMAYOR : La justice pour tous, Paris, éd Flammarion, 1969, p 216.
- LE MONITEUR : Décret du 22 août 1995 modifiant la loi du 18 septembre 1985 sur l’Organisation judiciaire, no 67, 24 août 1995
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